Eté 94, club factory à Nice, sur le port, quelques notes isolées émanent du sound system, un son clair, un instrument difficile à déceler, une percussion jouée sur un synthétiseur peut-être, puis un clavier, des notes très claires, le morceau prend son temps, rare en club à cette période plutôt axée techno dans le coin. Il est tard, ou très tôt le matin je ne me rappelle plus très bien. Ce dont ce que je me souviens, c’est que je reviens d’une soirée techno justement à Opéra plage et qu’il n’y a plus grand monde dans le club. Je suis avec un ami, on s’est arrêté ici car c’est sur le chemin pour rentrer au port. Ce doit être la première fois que j’entends un morceau house / garage. C’est la version dub de « Deep Inside » d’Hardrive mais je ne le sais pas encore. Ce morceau a sonné pour moi comme une révélation et a je pense en partie transformé ma vie.
Comme je le disais au début, nous sommes en 1994, j’ai 19 ans et je passe mon été sur la côte d’azur. C’est la grande période de la techno et des raves qui commencent à se développer dans la région (soirées clandestines dans l’arrière-pays avec camionnette et sound system branché sur un générateur où il faut que tu aies les bonnes infos et une bonne carte aussi pour trouver le lieu). Cette vague semble venir tout droit des clubs italiens de Rimini (l’Italie sort depuis longtemps de sa période italo disco mais celle-ci a influencé l’italo house dont les morceaux sont joués dans les plus grandes raves britanniques).
Rentré en région parisienne, c’est tout naturellement que je tente de retrouver ces sensations musicales de l’été, mais aussi le fameux morceau entendu au club « Factory » de Nice. J’écoute radio FG, surtout le matin, qui, à l’époque, a une programmation musicale très riche en nouveautés house et garage (les derniers morceaux sortis sur les labels new-yorkais, mais aussi la house de chicago et j’en passe). En tout cas, ils annoncent toutes les soirées parisiennes et je me retrouve bientôt tous les jeudis ou presque à arpenter le dancefloor du Rex club où Laurent Garnier a sa résidence hebdomadaire pour les soirées « Wake Up ». Cette soirée est LA soirée de référence pour moi ainsi que pour beaucoup de monde je pense à ce moment là. Il faut arriver tôt car le set prend son temps et la soirée monte peu à peu avant d’atteindre son paroxysme avec une techno on va dire plus agressive vers 4h. Avant 1h du matin, on peut entendre d’autres pépites, plus calmes, comme bien entendu, beaucoup d'artistes signés sur le label « F communications », mais aussi des productions US venant tout droit de Detroit qui a le vent en poupe au milieu des années 90. Je découvre beaucoup d’artistes à cette période (Carl Cox, Derrick May, Jeff Mills, Armando…). J’entends ou réécoute également les morceaux sur radio nova où Laurent Garnier a sa propre émission. J’assiste à quelques raves organisées dans les aérogares du Bourget mais je m’aperçois bien vite que je ne suis pas vraiment addict à la trance Goa. J’achète mes premières platines et mes premiers disques chez « Rough Trade » pas loin de Bastille ou encore chez « BPM ». J’achète des titres plus ou moins techno mais aussi assez mélancoliques, puis des titres House que j’ai pu écouter à la soirée de Garnier (titres qu’il joue majoritairement en début de soirée, lorsque l’ambiance commence à monter). Le premier vinyl que j’achète par exemple est une production de Kevin Saunderson, « Day by Day » remixée par Ron Trent et chez Damier. Je continue à fréquenter les soirées du Rex, écoute beaucoup la radio, commence à rechercher des morceaux dans les boutiques de disque, majoritairement des nouveautés.
Une émission m’interpelle sur FG un dimanche après-midi car les morceaux sont beaucoup moins techno, c’est très House mais j’entends aussi beaucoup plus de vocaux, des nappes au clavier, des breaks instrus. Il y a des morceaux qui ressemblent au Hardrive « deep inside » entendu à Nice. Je commence à enregistrer cette émission toutes les semaines sur des cassettes. C’est compliqué car elle dure 3 heures. Il faut plusieurs cassettes, il faut les retourner toutes les 45 min. Pour l’anecdote, parfois, quand je dois absolument sortir, je confie même cette mission à ma mère.
Je réécoute les cassettes en boucle dans mon walkman, je les emmène parfois dans les magasins pour les faire écouter au vendeur (shazam n’existe pas). Des fois, les Dj donnent les titres, d’autres fois non. Cette émission, c’est « Cheers », avec les 2 Dj et animateurs Sven Löve et Greg Gauthier qui deviendront bientôt des amis. Ils ont leur propre soirée depuis 1994. Je mets quelques temps avant d’assister à ma première Cheers en 1996. C’est sur une péniche où ils ont fait venir les « basement boys ».
Je tombe littéralement sous le charme de cette soirée.
Flo
Je n’en loupe plus une seule. Sven mixe la semaine suivante au Queen pour la soirée Respect (ces soirées mythiques ont débuté en Octobre de la même année) où je réussis à me faire inviter par sa petite sœur Mia, qui bien plus tard, réalisera « Eden » un film inspiré par la vie de son frère dans le milieu du clubbing dans les années 90-2000. Puis je continue à suivre l’émission et les soirées Cheers au what’s up bar à Bastille, puis bientôt au Queen.
J’assiste à d’autres soirées dont je trouve les flyers dans les boutiques de disque, notamment chez « Bastille Vinyl ». J’y rencontre des dj qui parfois m’invitent à leur soirée. Je n’arrête pas de sortir (parfois du mercredi au dimanche – mercredi « respect is burning » - vendredi « cheers » - samedi « rex club » ou « le palace » encore ouvert à cette période et où officiait David Guetta – dimanche « absolutely fabulous » au Queen). Je rencontre du monde, ce qui me permet d’entrer la plupart du temps sur guest list, ce qui me donne bien entendu l’envie de sortir encore plus, mais il faut tout de même concilier avec les études. Je continue à mixer aussi, certes dans ma chambre. Je rencontre aussi Martin Solveig qui joue dans une petite boîte de nuit derrière Opéra. Bientôt la soirée Cheers sera délocalisée au Dancing de la Coupole, pour ses années les plus fastes. Sven et Greg invitent beaucoup de Guests (Louie Vega, Kerri Chandler, Bob Sinclar, Tony Humphries et j’en passe !).
Je commence à jouer dans quelques soirées, la plupart du temps organisées avec des amis. Je jouerai plus tard à Cheers au Djoon lors de la « winter music conference » à Miami, Sven et Greg jouant là-bas au même moment. Puis je trouve des résidences dans des bars principalement ou des hôtels à Paris (le Winston, la Villa Marquis dans le 8e ainsi qu’un autre hôtel de la chaine Mélia à Charles de Gaulle…). On continue à organiser quelques soirées avec l’association Funkthetown. Je joue également pour le Fouquet’s à Enghien pendant 1 an pour des after work le jeudi et également les soirées du samedi ainsi que dans des soirées privées. Avec Funkthetown, nous animons également une émission de radio depuis maintenant près de 2 ans sur idfm 98fm.
En 2024, je continue à écouter beaucoup de musique, même si cela n’est plus vraiment dans les magasins de disque mais plutôt sur des plateformes telles que Traxsource. J’apprécie tout particulièrement rechercher des morceaux dont les samples disco ont fait des hits, ce qui m’a permis de renforcer énormément ma culture musicale dans ce domaine. Je passe encore des heures sur Youtube à rechercher des pépites ou des raretés disco-funk, morceaux que j’aime tout particulièrement dénicher dans les quelques magasins de vinyls spécialisés que je continue à fréquenter.